La liberté d’aller et venir en ESSMS garantit à chaque personne accompagnée la possibilité de se déplacer librement et de mener une vie selon ses choix.
Dans le contexte des établissements et services sociaux et médico-sociaux, cette liberté revêt une importance particulière, car elle concerne des personnes souvent vulnérables en raison de leur âge, de leur état de santé ou de leur situation de handicap.
Protéger et favoriser cette liberté tout en assurant la sécurité et le bien-être des résidents constitue un défi majeur pour les professionnels du secteur.
Cet article se propose d'explorer les textes de loi, les chartes de droits et le Référentiel d’évaluation de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Nous mettrons en lumière les principes et les bonnes pratiques qui permettent de concilier respect des libertés individuelles et sécurité des personnes accueillies.
Liberté d’aller et venir dans le droit français
La liberté d’aller et venir est profondément ancrée dans les textes fondateurs du droit français.
Elle est évoquée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789, notamment aux articles 1, 2 et 4 qui stipulent que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Ce principe souligne que chaque individu possède une liberté fondamentale et inaliénable de se déplacer.
En outre, cette liberté bénéficie d’une protection de valeur constitutionnelle.
L’article 66 de la Constitution française du 4 octobre 1958 affirme que « Nul ne peut être arbitrairement détenu ».
Cela établit clairement que toute forme de détention arbitraire est contraire aux principes constitutionnels français, renforçant ainsi le caractère sacré de la liberté de mouvement.
Liberté d’aller et venir dans les textes internationaux
Ce principe s’appuie également sur d’importants textes internationaux :
- La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948
- La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1953), notamment son article 5
- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966)
- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000), article 6
- La Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) de 2006.
La liberté d’aller et venir : un droit reconnu dans la loi 2002-2
La loi du 2 janvier 2002, réformant l’action sociale et médico-sociale, met un accent particulier sur le devoir d’information et la garantie des droits des personnes prises en charge.
Elle introduit des outils essentiels tels que :
- la charte des droits et libertés de la personne accueillie
- le contrat de séjour ou le Document Individuel de Prise en Charge (DIPC)
- le livret d’accueil.
Ces documents assurent une information claire et précise sur les droits des personnes accompagnées, notamment leur liberté d’aller et venir.
Ils visent à garantir la transparence et à formaliser les engagements des établissements et services sociaux et médico-sociaux envers les personnes accueillies.
Application de la liberté d'aller et venir dans les ESSMS : l’article L-311-3 du CASF
Dans le cadre des ESSMS, la liberté d’aller et venir est expressément protégée par l’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), qui garantit :
« L’exercice des droits et libertés individuels à toute personne accueillie et accompagnée par des établissements et services sociaux et médico-sociaux […], y compris le droit à aller et venir librement. »
De plus, la Charte des droits et libertés de la personne accueillie (arrêté du 8 septembre 2003) renforce ce droit, en s’appliquant aux résidents d’ESSMS.
Liberté d’aller et venir : définition
La liberté d’aller et venir est une composante essentielle de la liberté individuelle, intrinsèque à chaque être humain.
Elle représente une expression fondamentale du choix individuel, assurant ainsi une protection contre toute forme de détention ou d’arrestation arbitraire.
Ce principe implique la liberté pour chaque personne de :
- Se mouvoir, stationner, séjourner et se déplacer librement
- Choisir son mode de vie et entreprendre des activités
- Se réunir et manifester
- Prendre des décisions personnelles et mener une vie ordinaire au sein de l’établissement de son choix, sans contraintes.
Dans les pays démocratiques, cette liberté s’exerce sans qu’il soit nécessaire de la justifier ou de demander une autorisation préalable.
Elle est donc inscrite au cœur des droits de l'homme, garantissant à chacun la possibilité de vivre selon ses propres choix et d'évoluer librement dans l'environnement de son choix.
Cet article assure le respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité, de la sécurité, et de la liberté d’aller et venir des personnes accueillies.
Ainsi, chaque individu sous la responsabilité d’un ESSMS doit pouvoir jouir de ses droits et libertés de manière pleine et entière.
La liberté d’aller et venir : protégée par les chartes dans les ESSMS
La protection de la liberté d’aller et venir dans les ESSMS est également renforcée par des chartes spécifiques. Parmi celles-ci :
→ Charte des droits et des libertés de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance
L’article 3 de cette charte stipule que « toute personne âgée dépendante doit conserver sa liberté de communiquer, de se déplacer et de participer à la vie en société ».
Cette disposition insiste sur l’importance de maintenir les liens sociaux et la mobilité des personnes âgées, malgré leur dépendance.
→ Charte éthique et accompagnement grand âge (2021)
L’article 2 de cette charte préconise de « favoriser l’exercice par la personne de l’ensemble de ses potentialités » et de se préoccuper de l’effectivité de ses droits.
Elle met l’accent sur la préservation de l’intégrité, du bien-être, du confort et des intérêts des personnes âgées, tout en minimisant les restrictions éventuelles à l’exercice de leurs libertés.
Liberté d’aller et venir dans le référentiel d’évaluation HAS
La liberté d’aller et venir des personnes accompagnées est un aspect essentiel pris en compte dans le référentiel d’évaluation de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Elle est intégrée dans la thématique des “Droits de la personne accompagnée”, figurant au chapitre 2 du référentiel.
Ce chapitre met en lumière un critère impératif visant à garantir le respect et la promotion de cette liberté fondamentale.
Ce critère engage les professionnels à soutenir activement la liberté d'aller et venir des personnes qu'ils accompagnent.
Objectif 2.2 - Favoriser l'exercice des droits fondamentaux et des libertés individuelles
🟥 Critère 2.2.1 - Les professionnels soutiennent la liberté d'aller et venir de la personne accompagnée.
Actions, outils et questions à se poser
Pour atteindre cet objectif, plusieurs actions et outils sont mis en place, ainsi que des questions à se poser pour évaluer et améliorer les pratiques :
1. Formation des professionnels :
Il est crucial de former les professionnels aux enjeux de la liberté d'aller et venir pour les personnes concernées.
Cette formation permet de sensibiliser les équipes aux droits fondamentaux des résidents et d’assurer une prise en charge respectueuse de leur autonomie et de leur dignité.
2. Encadrement strict des restrictions :
Les restrictions à la liberté d'aller et venir, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la structure, doivent être strictement encadrées et communiquées.
Cela implique que toute mesure restrictive soit clairement justifiée, documentée et limitée dans le temps, avec une réévaluation régulière.
3. Limitation aux impératifs de sécurité :
Les restrictions à la liberté d’aller et venir doivent être limitées aux seuls impératifs de sécurité, de respect d’autrui et aux éventuelles restrictions judiciaires (notamment en cas de mesures de tutelle ou de curatelle renforcée).
Il est essentiel de s’assurer que ces mesures ne sont prises qu’en cas de nécessité absolue, pour protéger la personne elle-même ou les autres, et qu’elles soient proportionnées aux risques encourus.
Questions à se poser
- Les professionnels sont-ils formés aux enjeux de la liberté d'aller et venir ?
- Les restrictions à la liberté d'aller et venir sont-elles justifiées et documentées ?
- Les mesures restrictives sont-elles régulièrement réévaluées et adaptées ?
- Les personnes accompagnées et leurs proches sont-ils informés des restrictions et de leurs justifications ?
Liberté d’aller et venir en ESSMS : des restrictions encadrées par la loi
Des restrictions à cette liberté peuvent être envisagées, mais uniquement dans un cadre strictement défini par la loi :
Mesures collectives dans les unités de vie protégées (article R. 311-37-1 du CASF)
- Ces mesures doivent figurer dans le règlement de fonctionnement de l’établissement
- Elles nécessitent une évaluation pluridisciplinaire préalable de leur proportionnalité, associant l’équipe médico-sociale et impliquant une consultation du Conseil de la Vie Sociale.
Mesures individuelles (article L. 311-4-1 du CASF)
- Elles sont inscrites dans une annexe au contrat de séjour.
- Elles doivent faire l’objet d’une procédure collégiale initiée par le médecin coordonnateur ou, à défaut, le médecin traitant.
- Une évaluation pluridisciplinaire analyse les bénéfices et risques des mesures envisagées.

Liberté d’aller et venir en ESSMS : quels motifs à l’origine des restrictions ?
Les restrictions à la liberté d’aller et venir dans les établissements peuvent être justifiées par divers motifs liés à l’organisation et au fonctionnement des établissements ou services.
L’architecture des lieux de soins et d’hébergement
L'architecture des lieux de soins et d’hébergement joue un rôle crucial dans l’accessibilité et la mobilité des résidents.
Les bâtiments conçus sans prendre en compte les besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite peuvent limiter leur capacité à se déplacer librement.
Des espaces mal agencés ou inadaptés peuvent également contraindre les mouvements des résidents pour des raisons de sécurité et de praticité.
Raisons organisationnelles
Les aspects organisationnels, tels que les horaires de soins et de visites, peuvent également imposer des restrictions.
Par exemple, les heures de soins spécifiques ou les plages horaires allouées aux visites peuvent limiter la liberté des résidents de circuler à leur guise.
Ces contraintes sont souvent mises en place pour assurer une gestion efficace et ordonnée des soins et des interactions sociales.
Sécurité
La sécurité est une préoccupation majeure justifiant les restrictions. Cela inclut :
- La sécurité liée aux soins (prévention des infections, hygiène)
- Les protocoles de sevrage
- L’isolement septique pour éviter la propagation des maladies
- La protection des tiers
- La sécurité des lieux, incluant la prévention des chutes et des accidents, est également un motif important.
La vie collective nécessite des mesures pour garantir un environnement sûr pour tous les résidents.
Raisons médicales
Les raisons médicales, telles que la réalisation des soins, l’accompagnement, les difficultés de communication ou les limitations physiques des résidents, justifient également les restrictions.
Les soins médicaux nécessitent souvent des conditions spécifiques qui peuvent restreindre temporairement la liberté de mouvement des résidents pour garantir leur santé et leur bien-être.
Ressources financières de la personne
Les ressources financières des personnes peuvent aussi influencer leur liberté de déplacement.
Un manque de moyens financiers peut limiter l’accès à certains services ou équipements facilitant la mobilité, comme les dispositifs de transport adapté ou les aides techniques.