Vidéosurveillance en Ehpad : quelles conditions pour une installation en chambre ?
June 4, 2024
Temps de lecture :
3 minutes
L'installation de dispositifs de vidéosurveillance en Ehpad est un sujet délicat, nécessitant une attention particulière tant pour le respect des droits des résidents que pour garantir leur sécurité.
Le 29 février 2024, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a adopté une recommandation relative à la mise en place de dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des établissements accueillant des personnes âgées.
Cette recommandation, parue au Journal Officiel le 2 mai 2024, précise les conditions et les recommandations pour une mise en œuvre conforme à la législation.
En voici les principaux points :
Vidéosurveillance : retour sur le contexte
La CNIL a été interrogée par des structures ESSMS sur la possibilité et les conditions d'installation de dispositifs de vidéosurveillance au sein des chambres des résidents d’EHPAD.
Cette question fait suite à la médiatisation de cas de maltraitance dans ces établissements.
Voici les principales dispositions à retenir.
Conditions restrictives d'installation de dispositifs de vidéosurveillance
Dans sa recommandation, la CNIL détaille les exigences qu'un établissement doit respecter avant de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance dans les chambres des résidents.
Cette installation ne peut être justifiée que pour garantir la sécurité des personnes hébergées dans le cadre d'une enquête pour maltraitance, et uniquement sous certaines conditions cumulatives :
- dans les cas de suspicions fortes et avérées de maltraitance (hématomes, changements de comportement, etc.)
- après que les procédures d'enquêtes n'ont pas permis de détecter une situation de maltraitance, dès lors qu'un doute subsiste.
Vidéosurveillance jugée disproportionnée et généralement Interdite
Un dispositif de vidéosurveillance installé à des fins de prévention des incidents de sécurité dans la chambre d'une personne hébergée est généralement considéré comme disproportionné et en principe interdit.
En effet, cela porte une atteinte significative à la dignité des résidents, qui se retrouvent filmés en permanence dans leur lieu de vie.
De plus, une telle installation est susceptible de placer les professionnels sous surveillance continue, ce qui peut créer un environnement de travail stressant et oppressif.
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Garanties à respecter par les établissements avant l'Installation de la vidéosurveillance
Avant d'installer un dispositif de vidéosurveillance, l'établissement doit notamment observer les garanties suivantes :
Information et consultation des instances représentatives
Avant toute décision d'installation de dispositifs de vidéosurveillance en chambre, l'établissement doit informer et consulter le Conseil de la vie sociale (CVS).
Cette instance peut formuler des propositions sur les modalités de mise en œuvre du dispositif.
Information des personnes concernées
Pour les résidents
L'information peut être intégrée dans le contrat de séjour sous la forme d'une clause indiquant la possibilité de mise en place de vidéosurveillance.
Cette clause doit spécifier que ce dispositif ne peut être installé que par l’établissement d’hébergement et non par la famille.
Pour les salariés
Cette information peut être incluse dans le règlement intérieur de la structure, qui doit être préalablement présenté aux instances représentatives du personnel.
Cette mention doit indiquer la possibilité d'installer des dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des résidents en cas de suspicion grave de maltraitance.
Efficacité de l’Information
L’établissement doit s’assurer que les résidents et les salariés ont été informés de manière effective au moment de la mise en place des caméras.
Cette information peut être transmise par divers moyens tels que des courriels, des affichages ou des réunions d'information.
Toutefois, si cette information risque de compromettre les objectifs de l’enquête ou la protection des droits des victimes de mauvais traitements, il peut être justifié de limiter la diffusion de certaines informations.
Consentement de la personne concernée
Avant toute installation, le consentement de la personne concernée doit être recueilli.
Si la personne n'est pas en mesure de consentir, le consentement doit être obtenu conformément aux règles spécifiques liées à la protection des majeurs.
Pour aller plus loin, voir vos articles :
- Tutelle d’un majeur : un dispositif de protection intégrale très encadré
- Curatelle : protéger le patrimoine d’un majeur vulnérable
Lorsque l'initiative vient de l'établissement, ce dernier doit permettre à la personne de refuser l'installation.
Respect de la vie privée
Les parties intimes de la personne concernée doivent être floutées, dans la mesure du possible, lorsque les soins sont réalisés dans son lit.
La prise d'images dans les lieux d'intimité (toilettes, douches) doit être proscrite, sauf circonstances exceptionnelles.
Établir et appliquer un cadre interne
Avant d'installer un dispositif de vidéosurveillance, il est crucial que l'établissement établisse et applique un cadre interne clair et rigoureux justifiant cette installation.
Ce cadre doit définir les conditions précises sous lesquelles la vidéosurveillance peut être envisagée, en veillant à respecter les droits des résidents tout en répondant aux exigences de sécurité.
Inclusion dans le règlement intérieur
Pour assurer une transparence totale et une légalité irréprochable, il est essentiel que la possibilité d'installation de dispositifs de vidéosurveillance soit clairement mentionnée dans le règlement intérieur de l'établissement.
Ce document doit spécifier les modalités précises de visionnage des enregistrements, notamment en limitant strictement l'accès aux images au seul personnel habilité.
Limitation de la vidéosurveillance
L'activation des dispositifs de vidéosurveillance doit être limitée dans le temps et appliquée uniquement aux cas spécifiquement justifiés par le cadre interne.
Il est important de désactiver les dispositifs lors des visites des proches, sauf si ceux-ci sont eux-mêmes suspectés de maltraitance.
Le responsable de traitement doit veiller à la conformité de ce dispositif avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et les dispositions de la loi « informatique et libertés ».
Cela inclut une durée de conservation des images :
- limitée à quelques jours si aucune maltraitance n’est détectée
- ou à la durée de la procédure contentieuse en cas de détection de maltraitance.
Il doit également respecter les droits des personnes concernées et assurer la sécurité et la confidentialité des données.
Concertation avec la famille ou les proches
Lorsqu'une demande de vidéosurveillance émane de la famille ou des proches d'un résident, une concertation approfondie avec l'établissement est nécessaire.
Cette concertation doit prendre en compte les procédures internes d'enquête, de prévention et d'alerte déjà en place.
L'établissement doit également informer le personnel sur les mesures prises, le cas échéant.
Formation et sensibilisation du personnel
Pour garantir une mise en œuvre correcte et éthique, il est indispensable de sensibiliser et de former le personnel sur le cadre interne et les procédures associées.
Des sessions de formation régulières doivent être organisées pour s'assurer que tous les membres du personnel comprennent les enjeux de la vidéosurveillance, les critères de son utilisation et les mesures de protection des droits des résidents.
Analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD)
Au regard des risques élevés qu'est susceptible d'engendrer ce traitement pour les droits et libertés des personnes concernées, l’établissement devra réaliser une Analyse d'Impact relative à la Protection des Données (AIPD).
Modèle à télécharger : Charte des droits et libertés de la personne accueillie
Cette analyse d’impact ne peut être réalisée en urgence, ce qui implique de réfléchir à la possibilité d'utilisation d'un tel dispositif à l'avance.
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À propos de l’auteur
Gregory Cousyn
Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.
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