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Gestion de crise en ESSMS : comment maîtriser sa communication et rebondir avec sérénité

Gregory Cousyn

April 4, 2025

Temps de lecture :

6 minutes

Un homme en discussion avec un groupe de personnes dans une salle de réunion.
Médico-social / Social

Dans un contexte dans lequel les ESSMS sont exposés à de multiples risques, savoir gérer une crise ne suffit plus : il faut aussi communiquer efficacement, dès les premiers signes, et jusqu’à la sortie de crise.

Crises sanitaires, événements médiatisés, faits graves internes… la capacité à piloter l’information et à mobiliser les équipes fait souvent toute la différence.

Dans cet article, découvrez les clés d’une communication de crise réussie, adaptée aux réalités du secteur médico-social.

Qu’est-ce qu’une crise ?

Avant de parler de gestion ou de communication, il est essentiel de comprendre ce que recouvre le terme “crise”.

Selon la définition proposée par le gouvernement, une crise désigne 

une période, un phénomène critique où il est nécessaire de faire un choix pour faire face à un changement majeur. Une crise est alors une situation intenable, inattendue et qui est une menace pour un système. Elle peut intervenir dans n’importe quel cadre. Elle peut se dérouler dans un temps court, mais également dans un temps long. Une crise est le résultat d’un événement perturbateur. Les conséquences liées à la crise peuvent être multiples et impacter divers domaines.

Autrement dit, une crise peut être :

  • Brève ou prolongée : certaines se dénouent en quelques heures, d’autres s’étendent sur plusieurs mois.
  • Visible ou insidieuse : elle peut frapper brutalement (accident, crise sanitaire…) ou se manifester de manière progressive (usure des équipes, tensions internes…).
  • Perturbatrice et impactante : elle engendre des conséquences sur plusieurs plans — humains, organisationnels, financiers, voire juridiques.

Quels sont les types de crises en ESSMS ?

Les ESSMS peuvent être confrontés à une grande variété de crises, certaines liées à des événements exceptionnels, d’autres à des dysfonctionnements internes graves. Il est important d’en connaître les différents visages pour mieux les anticiper.

1. Les crises exceptionnelles : d’origine externe

Certaines crises sont directement liées à des risques majeurs, souvent imprévisibles, qui nécessitent une préparation rigoureuse et des protocoles d’urgence :

  • Risques climatiques : canicule, grand froid, inondations, feux de forêt, avalanches…
  • Risques sanitaires : épidémies (grippe saisonnière, COVID-19), intoxications alimentaires…
  • Risques technologiques : cyberattaques, incidents sur sites Seveso, accidents industriels ou nucléaires à proximité…
  • Risques sécuritaires : tentatives d’intrusion, actes de malveillance ou attentats…

Ces situations doivent être prévues dans un Plan de gestion de crise et de continuité d’activité, un outil stratégique encadré par quatre critères du référentiel HAS, dont deux impératifs et deux standards. Ce plan permet de garantir la sécurité des personnes accueillies et du personnel, tout en assurant la continuité des soins et de l’accompagnement.

Voir notre article dédié :

⦿ Plan de gestion de crise en ESSMS : Que doit-il contenir ? Comment le structurer ?

2. Les crises internes : liées à des faits graves

Au-delà des événements exceptionnels, les ESSMS peuvent être confrontés à des crises internes, souvent médiatisées et susceptibles de relever du droit pénal. 

Parmi les cas les plus sensibles :

  • Mise en péril des résidents ou du personnel : actes de violence, maltraitance, traitement inhumain ou dégradant, non-déclaration de faits de maltraitance…
  • Atteinte à la vie privée : usage abusif ou non réglementaire de la vidéosurveillance dans les espaces de vie ou de travail.
  • Infractions pénales graves : trafic de stupéfiants au sein de l’établissement, détournement de fonds publics, corruption…

Ces situations exigent une réaction immédiate, une transparence totale vis-à-vis des autorités, et une communication maîtrisée — tant en interne qu’en externe — pour limiter les impacts humains, juridiques et réputationnels.

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⦿ Événements indésirables graves en ESMS : identifier, déclarer et analyser pour plus de qualité !

Le rôle central de la cellule de crise

Lorsqu’une crise éclate, la rapidité de sa propagation, en interne comme à travers les médias, peut déstabiliser les établissements. Dans ce contexte, les équipes de direction se retrouvent souvent isolées, sursollicitées, voire démunies face à l’ampleur des décisions à prendre.

C’est pourquoi la cellule de crise constitue un pilier essentiel de toute stratégie de gestion de crise en ESSMS.

Une instance collective, pilotée par le Directeur

La cellule de crise n’est pas un groupe informel réuni dans l’urgence. Elle doit être structurée, anticipée et formalisée, avec une composition connue à l’avance. Son rôle : accompagner le Directeur dans la prise de décision, agir avec réactivité, et répartir les responsabilités pour faire face à la situation de manière concertée et coordonnée.

Même si elle n’a pas de pouvoir décisionnel autonome, la cellule offre un soutien stratégique et humain à la Direction. Elle diminue le sentiment d’isolement souvent ressenti en période de tension.

Une composition à adapter selon les enjeux

Un noyau dur doit toujours être constitué autour du Directeur. Il peut inclure :

  • Le ou la responsable des ressources humaines, pour les aspects liés au personnel
  • Le ou la responsable des services techniques, en cas d’impact matériel ou logistique 
  • Un ou une cadre encadrant (cadre socio-éducatif ou cadre de santé), pour relayer l’information et les consignes auprès du terrain.

En fonction de la nature de la crise, d’autres profils peuvent être mobilisés, en interne ou en appui externe :

  • Un juriste, avocat ou huissier, pour sécuriser les démarches légales 
  • Un ou une chargé(e) de communication, en particulier pour gérer les relations presse
  • Le service de médecine du travail, si la santé des agents est en jeu
  • Un ou une psychologue ou psychiatre, pour accompagner les équipes, les résidents ou les familles.

Préciser les rôles, une condition essentielle à l’efficacité

Enfin, la cellule ne peut fonctionner efficacement que si les rôles sont définis à l’avance : qui prend la parole ? Qui coordonne l’information ? Qui est en lien avec les familles ? Cette clarté organisationnelle est indispensable pour éviter toute confusion… et garantir une communication fluide et maîtrisée.

La coopération entre établissements : un levier à activer

Il ne faut pas négliger l’entraide inter-établissements, surtout lorsqu’ils partagent le même territoire. Une coopération anticipée entre directions peut faciliter les prises de relais, les échanges d’expertise ou le soutien moral en situation de crise.

Déclenchement de la crise : premières actions et coordination

Dès les premiers signaux ou la confirmation de l’événement, la cellule de crise doit être activée. Son objectif immédiat : organiser une réponse rapide, adaptée à la nature et à la gravité de la situation.

Voici les premières actions à engager :

  • Sécuriser les personnes concernées : résidents, professionnels, visiteurs… La sécurité humaine est la priorité absolue.
  • Prendre en charge les victimes : soins médicaux, soutien psychologique, mesures d’accompagnement adaptées.
  • Soutenir les équipes : en apportant un appui humain, psychologique, matériel et logistique (hébergement, repas, accès à l’eau…).
  • Assurer la continuité du service : dans les ESSMS, elle est souvent vitale. La réorganisation temporaire doit permettre de maintenir les prestations essentielles.
  • Convoquer un CSE exceptionnel, si les conditions de travail sont fortement impactées.
  • Mettre en œuvre une communication coordonnée : en interne comme en externe, la clarté des messages est essentielle (voir partie suivante).

Suivre la situation et savoir désactiver la cellule

L’action de la cellule se prolonge tout au long de la phase aiguë de la crise. Il est essentiel de mettre en place un suivi opérationnel, avec des indicateurs concrets pour évaluer la stabilisation progressive de la situation (retour à la normale, maîtrise des risques, apaisement des tensions…).

Ce n’est qu’à ce moment-là que la cellule peut être désactivée.

Maintenir un lien constant avec les autorités

La relation avec les autorités de tutelle — ARS, Conseil Départemental — constitue un pilier fondamental de la gestion de crise. Elle repose sur deux principes clés : transparence et coopération. Cela implique de :

  • Répondre rapidement aux sollicitations et transmettre les documents demandés sans délai 
  • Produire des comptes rendus rigoureux et complets, qui serviront de référence, notamment en cas de procédure administrative ou judiciaire.

En parallèle, il est essentiel de soutenir les équipes internes : les tenir informées, expliquer les décisions prises, et maintenir un cadre de travail rassurant pour limiter la propagation du stress et éviter l’effet “crise dans la crise”.

Maîtriser la communication en situation de crise

En situation de crise, la communication est une action stratégique à part entière. À l’ère de l’hyper-information et des réseaux sociaux, il est impossible de prédire comment un événement va émerger ou se propager dans l’espace public, ni la manière dont il sera perçu politiquement ou médiatiquement.

Dès le début de la crise, en parallèle de sa gestion opérationnelle, il est donc crucial de penser, structurer et piloter une communication de crise cohérente et maîtrisée.

Pourquoi communiquer en période de crise ?

La communication permet de :

  • Démontrer le sérieux de l’établissement 
  • Reconnaître la crise, ses impacts et ses victimes 
  • Donner un cap clair aux parties prenantes 
  • Limiter les rumeurs et prévenir les tensions internes ou externes 
  • Maîtriser le risque médiatique et d’opinion dès les premières heures.

Définir une stratégie : la méthode FRAMA

Pour structurer efficacement sa communication, on peut s’appuyer sur la méthode FRAMA :

  • Faits : identifier et qualifier les faits connus 
  • Risques : évaluer les risques et les hiérarchiser
  • Audiences : lister et prioriser les parties prenantes (familles, équipes, autorités, partenaires, journalistes) ;
  • Messages : rédiger des messages clairs, concis, factuels, empathiques
  • Actions : déployer les actions de communication sur les bons canaux, au bon moment.

À qui s’adresser en priorité ?

La communication de crise suit un ordre logique :

  1. Les victimes et leurs proches
  2. Les autorités de tutelle (ARS, Conseil Départemental)
  3. Les professionnels de l’établissement
  4. Les partenaires institutionnels ou opérationnels impactés
  5. Les médias.

La même information doit être transmise à tous, mais adaptée dans sa forme (ton, canal, support), sans en modifier le fond.

Construire des messages forts 

Il est essentiel de garder la main sur la communication avec un discours :

  • Réassurant : « Nous maîtrisons la situation. »
  • Compréhensif : « Nous comprenons l’émotion suscitée. »
  • Empathique : « Nous sommes touchés par ce qui se passe. »
  • Proactif : « Nous avons lancé une enquête. »
  • Transparent : « Nous vous tiendrons régulièrement informés. »

Préparer les prises de parole publiques

Pour les interventions dans les médias (interviews, conférences), plusieurs règles doivent être respectées :

  • Choisir un lieu neutre et calme 
  • Définir 3 messages clés maximum à faire passer 
  • Désigner un porte-parole formé au media training, calme, légitime, non impliqué directement dans la crise. Il doit être identifié en amont, avec un suppléant prévu.

Exemple à éviter : nommer un DRH comme porte-parole lors d’un conflit social.

L’outil clé : le Q&A (Questions/Réponses)

Le Q&A est un outil permettant de :

  • Anticiper les questions des journalistes, y compris les plus sensibles
  • Préparer des réponses homogènes, pour éviter les discours contradictoires.

Un bon Q&A liste un maximum de questions potentielles, même gênantes, et propose des réponses claires, jamais évasives.

À bannir : le « sans commentaire », qui alimente toujours la défiance.

Garder le contrôle de la narration

Enfin, la communication de crise n’est jamais figée. Il faut :

  • Observer les réactions des différentes audiences 
  • Mesurer la réception des messages 
  • Faire évoluer les prises de parole en fonction des retours 
  • Rester en veille permanente pour adapter la communication au fil de l’évolution de la situation.

Après la crise : rebondir, apprendre et renforcer la confiance

Une crise ne s’arrête pas avec le retour au calme. La sortie de crise est une étape clé, trop souvent négligée, alors qu’elle joue un rôle crucial dans la reconstruction de la confiance, tant en interne qu’en externe.

Clôturer la crise par une communication structurée

Une fois la phase aiguë passée, il est essentiel de communiquer sur la fin de la crise et les enseignements tirés :

  • Partager les faits tangibles sur les actions engagées à long terme 
  • Informer les publics externes via les canaux habituels 
  • Expliquer les évolutions internes décidées suite à l’événement : « Nous avons tiré les leçons de cette crise et en ressortons plus forts, avec une vision renouvelée de nos priorités. »

La communication post-crise est aussi l’occasion de valoriser les changements apportés et de repositionner l’établissement dans une dynamique constructive.

Faire un retour d’expérience (REX) à froid

C’est en période de calme qu’on évalue le mieux les décisions prises. Il est donc essentiel d’organiser un retour d’expérience collectif, réunissant les acteurs mobilisés durant la crise.

Objectifs :

  • Identifier ce qui a bien fonctionné, et les points de vigilance 
  • Mettre à jour le plan de gestion et de communication de crise 
  • Créer une mémoire organisationnelle pour mieux affronter les prochaines situations critiques et renforcer la résilience de l’établissement

Rebooster les équipes

Les professionnels en première ligne doivent être remerciés, valorisés et remotivés. Cela passe par :

  • Une reconnaissance explicite de leur mobilisation 
  • Un temps d’échange sur leur vécu pendant la crise
  • Une remise en perspective du sens de leur mission dans un contexte difficile : "Le quotidien en ESSMS est un défi permanent. Et c’est grâce à vous qu’il a pu être relevé.”

Rester vigilant

Enfin, même après la crise, la vigilance doit rester de mise. Les effets post-traumatiques, les tensions résiduelles ou les incompréhensions peuvent réapparaître. D’où l’importance de maintenir un dialogue ouvert, d’assurer un suivi dans la durée, et de remercier toutes les parties prenantes ayant apporté leur soutien : institutions, familles, partenaires, bénévoles…

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.