Maltraitance en établissement : comment l’identifier, la repérer et la prévenir ?
January 22, 2024
Temps de lecture :
5 minutes
La maltraitance en établissement est un phénomène souvent insidieux dans les relations de soins ou d’accompagnements, entraînant de graves conséquences pour les personnes vulnérables.
Cet article aborde les différentes facettes de la maltraitance en offrant des perspectives sur sa définition, son identification, son repérage, les facteurs de risque et les stratégies de prévention.
Il met l'accent sur l'importance de la vigilance et la mise en place de mesures proactives dans les secteurs médico-social, social et sanitaire pour assurer la protection et le bien-être des personnes en situation de vulnérabilité.
Comment définir la maltraitance ?
La maltraitance, en tant que concept juridiquement défini, a été établie par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022, avec la création de l'article L119-1 du Code de l'Action Sociale et des Familles (CASF). Selon cet article :
« La maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu'un geste, une parole, une action ou un défaut d'action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d'accompagnement.
Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle.
Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »
Cette définition découle des travaux de la Commission nationale de lutte contre les maltraitances, publiés en 2019. Elle embrasse la diversité des situations de maltraitance, incluant sept types principaux : physique, sexuelle, psychologique, matérielle et financière, négligences, abandons, privations et discriminations, ainsi que l'exposition à un environnement violent.
Un point crucial de cette définition est l'aspect relationnel de la maltraitance : l'auteur est lié à sa victime par une relation d'aide à l'autonomie, soulignant ainsi l'importance de la dynamique de pouvoir et de dépendance dans la compréhension de la maltraitance.
Quels sont les contextes de la maltraitance ?
La maltraitance se caractérise souvent dans des contextes dans lesquels il existe une dissymétrie de pouvoir entre la victime et l'auteur.
Cette dissymétrie se traduit par une vulnérabilité accrue de la victime, due à son âge, son handicap, ou son état de santé, qui l'empêche de se défendre ou de faire valoir ses droits. Dans ces situations, la victime est en état de dépendance, nécessitant l'aide d'autrui pour ses besoins et son bien-être.
L'abus de pouvoir et la trahison de confiance sont des aspects cruciaux dans ces contextes. La répétition des actes ou des négligences renforce cette dynamique de maltraitance.
Important
Plus le niveau de dépendance médicale du patient est élevé, plus le risque de maltraitance augmente. Cette compréhension des contextes de la maltraitance est essentielle pour sa prévention et son repérage en milieu institutionnel.
Comment identifier une situation de maltraitance ?
Identifier la maltraitance implique de reconnaître les différents types d'abus et négligences. Cette identification passe par la caractérisation des situations selon la nature des actes ou des omissions.
Selon la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, la typologie de la maltraitance comprend :
Maltraitances physiques
Elles se manifestent par des châtiments corporels, des agressions physiques (coups, brûlures…), des gestes brutaux, l'enfermement, l'usage abusif ou injustifié de la contention, la sur ou sous-médicamentation, l'usage de traitements à mauvais escient, la douleur non prise en charge, ou l'intervention médicale sans consentement.
Maltraitances sexuelles
Elles incluent les viols, les agressions sexuelles, les atteintes sexuelles, l'embrigadement dans la pornographie et la prostitution, et les attentats à la pudeur.
Maltraitances psychologiques
Elles se caractérisent par des insultes, de l'intimidation, du harcèlement, de l'humiliation, la menace de sanctions ou d’abandon, la mise à l’écart, la relégation dans les espaces de vie ou les activités, le chantage affectif, l'infantilisation, l'utilisation d'un vocabulaire dégradant, l'indifférence, le silence systématisé, les contraintes alimentaires injustifiées, et l'emprise mentale.
Maltraitances matérielles et financières
Cela peut se traduire par la fraude, le vol d'effets personnels, d'argent ou de biens, la privation de gestion des ressources, l'escroquerie, la confiscation de cadeaux, la dégradation des biens d'une personne ou le racket.
Négligences et abandons
Cela comprend le défaut de soins, le défaut d'adaptation de la prise en charge au diagnostic médical, l'absence de recherche de consentement éclairé, la privation de nourriture, de boissons, ou d'autres produits d'usage quotidien, les obstructions aux visites ou contacts avec les proches, la négligence de l'hygiène personnelle, l'inaction conduisant à un état de dénuement ou d'isolement, et l'entrave à l'exercice des droits fondamentaux.
Comment repérer une situation de maltraitance ?
Repérer une situation de maltraitance en établissement est crucial pour la protection des personnes vulnérables. Les signes et indicateurs de maltraitance peuvent inclure :
Signes physiques :
Des blessures fréquentes ou non expliquées, des ecchymoses, fractures ou brûlures sans justification logique, une négligence évidente comme des vêtements inappropriés ou une mauvaise hygiène.
Changements de comportement :
Un isolement social soudain de la personne, des changements d'humeur, une peur ou appréhension à l'égard d'une personne spécifique.
Signes émotionnels :
Des changements soudains dans le comportement ou l'humeur, des sentiments d'insécurité ou de dévalorisation, des réactions excessives à des situations normales.
Négligence :
Manque de soins de base : nourriture, vêtements, médicaments ou hygiène personnelle.
Exploitation financière :
Disparition inexplicable d'actifs ou de biens, des modifications inattendues des testaments ou des documents financiers, l'utilisation non autorisée des biens ou des fonds de la personne.
Quels sont les facteurs de risque en établissement ?
Certains facteurs de risque peuvent favoriser des situations de maltraitance en établissement :
Personnel insuffisamment formé
Un manque de formation des professionnels peut entraîner une mauvaise compréhension des besoins des résidents et des pratiques inappropriées.
Surcharge de travail
Le personnel surchargé peut devenir moins attentif et plus susceptible de négliger les besoins des résidents.
Dysfonctionnements au sein de l'équipe
Des conflits ou une mauvaise communication peuvent créer un environnement propice à la maltraitance.
Problèmes de gestion
Une gestion financière ou des ressources humaines inadéquates peut conduire à des conditions de travail stressantes ou à un manque de ressources.
Sous-évaluation de certains métiers
Le manque de reconnaissance et de respect pour certaines professions peut contribuer à un environnement de travail négatif.
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Comment prévenir la maltraitance en établissement ?
La prévention de la maltraitance en établissement passe par une prise de conscience collective, une formation adéquate du personnel, et l'instauration d'un environnement de travail sain et respectueux. Seule une approche globale et proactive peut garantir la sécurité des usagers.
Formation et sensibilisation du personnel
Former le personnel sur les différents types de maltraitance, les signes d'alerte et les meilleures pratiques pour les gérer.
Amélioration des conditions de travail
Assurer un équilibre travail-vie personnelle, réduire la surcharge de travail et favoriser un environnement de travail positif.
Communication et surveillance
Encourager une communication ouverte et transparente au sein des établissements, ainsi que la mise en place de systèmes de surveillance et de reporting efficaces pour détecter et gérer rapidement les cas de maltraitance.
Politiques claires et application stricte
Établir des politiques claires contre la maltraitance, avec des conséquences bien définies pour les violations. Cela inclut la mise en place de procédures pour signaler les cas de maltraitance et garantir leur traitement approprié.
Soutien aux victimes et aux témoins
Offrir un soutien psychologique et juridique aux victimes de maltraitance, ainsi qu'aux témoins, pour les encourager à signaler les incidents.
Audit et évaluation continue
Effectuer des audits internes réguliers et des évaluations des pratiques en place pour s'assurer qu'elles sont efficaces dans la prévention de la maltraitance et qu'elles sont constamment améliorées.
Collaboration avec les proches, les familles
Travailler en étroite collaboration avec les familles des résidents et la communauté pour créer un réseau de soutien et de vigilance.
Maltraitance : que disent les référentiels HAS ?
Dans les référentiels de la Haute Autorité de Santé, le thème de la maltraitance est abordé de manière explicite, mais aussi de manière implicite à travers les concepts de bientraitance et d'éthique.
Dans le référentiel d’évaluation des ESSMS
Dans le Référentiel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, la maltraitance est traitée de manière implicite via la thématique Bientraitance et éthique.
Cette thématique est commune aux trois chapitres (correspondant aux trois méthodes d’évaluation) et fait l’objet de 8 critères standards :
Chapitre 1
OBJECTIF 1.1 – La personne accompagnée s’exprime sur la bientraitance.
CRITÈRE 1.1.1 – La personne accompagnée exprime sa perception de la bientraitance.
Chapitre 2
OBJECTIF 2.1 – Les professionnels contribuent aux questionnements éthiques.
CRITÈRE 2.1.1 – Les professionnels identifient en équipe les questionnements éthiques propres à la personne accompagnée.
CRITÈRE 2.1.2 – Les professionnels associent la personne et son entourage, aux questionnements éthiques, liés à son accompagnement.
CRITÈRE 2.1.3 – Les professionnels sont régulièrement sensibilisés et/ou formés au questionnement éthique.
Chapitre 3
OBJECTIF 3.1 – L’ESSMS définit et déploie sa stratégie en matière de bientraitance.
CRITÈRE 3.1.1 – L’ESSMS définit sa stratégie en matière de bientraitance et en partage une définition commune avec l’ensemble des acteurs.
CRITÈRE 3.1.2 – L’ESSMS définit l’organisation et les modalités de déploiement de sa démarche de bientraitance et met à disposition les outils adaptés.
CRITÈRE 3.1.3 – L’ESSMS organise des actions de sensibilisation à la bientraitance pour tout nouvel intervenant (partenaire, bénévole…).
CRITÈRE 3.1.4 – Les professionnels sont régulièrement sensibilisés et/ou formés à la bientraitance.
Dans le référentiel de certification
Dans le référentiel de certification des établissements de santé pour la qualité des soins, la maltraitance est traitée de manière explicite et implicite au travers de quatre critères dont un critère impératif.
CRITÈRE 3.2-04 L’établissement veille à la bientraitance.
CRITÈRE 3.2-05 L’établissement participe au repérage et à la prise en charge des maltraitances éventuelles subies par les patients.
CRITÈRE n° 3.2-06 L’établissement lutte contre la maltraitance ordinaire en son sein. (impératif)
CRITÈRE n° 3.4-04 L’établissement promeut et soutient le recours au questionnement éthique par l’ensemble des acteurs.
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Questions fréquentes
Découvrez nos réponses aux questions fréquemment posées sur le DUERP en structure médico-sociale, sociale et sanitaire.
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À propos de l’auteur
Gregory Cousyn
Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.
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