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Sauvegarde de justice : une protection temporaire pour personnes vulnérables

Gregory Cousyn

March 8, 2024

Temps de lecture :

7 minutes

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Médico-social / Social

La protection des personnes vulnérables occupe une place prépondérante au sein du droit civil français. À ce titre, la sauvegarde de justice se présente comme une mesure de protection juridique à la fois souple et temporaire. 

Conçue pour être moins contraignante que la tutelle ou la curatelle, elle offre une assistance ciblée et adaptée aux besoins spécifiques des majeurs dont la capacité à agir est altérée, sans pour autant les priver de leur autonomie décisionnelle.

Cet article vous donne un aperçu complet de ce dispositif juridique :

Qu’est-ce que la sauvegarde justice ?

La sauvegarde de justice est une mesure de protection judiciaire de courte durée destinée aux majeurs. Elle permet à la personne concernée d'être représentée ou assistée pour réaliser certains actes de la vie courante, contribuant ainsi à la protection de ses intérêts.

Son objectif principal est de fournir un cadre légal flexible et moins intrusif que les autres mesures de protection comme la tutelle ou la curatelle. 

Protection urgente et temporaire

L'un des objectifs clefs de la sauvegarde de justice est sa capacité à être mise en place rapidement pour répondre à des situations d'urgence. Elle est conçue pour être temporaire, avec une durée initiale d'un an renouvelable une fois par le juge des contentieux de la protection. 

Cette temporalité assure que la mesure reste proportionnée à la situation de la personne protégée, permettant une réévaluation périodique de ses besoins et de sa capacité à gérer ses affaires.

Exemple pratique : un parent malade dont les facultés sont temporairement altérées pendant le traitement. La mise en place d'une sauvegarde de justice permet de protéger ses intérêts durant cette période de vulnérabilité, sans le priver de la capacité de prendre des décisions par lui-même là où il reste apte à le faire. 

Transition vers des mesures de protection plus durables

La sauvegarde de justice peut être envisagée comme une étape préliminaire avant la mise en place de mesures de protection plus longues et structurées (telles que la tutelle ou la curatelle). Dans de nombreux cas, elle permet de gérer les affaires courantes d'une personne tout en évaluant de manière approfondie son état et en déterminant la nécessité et l'étendue d'une protection juridique plus permanente.

Quel est le cadre juridique de la sauvegarde de justice ?

Inscrite au cœur du Code civil français, la sauvegarde de justice est principalement régie par les articles 433 et suivants. L'article 433 définit les contours de cette mesure, tandis que l'article 435 précise que la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits. 

En effet, contrairement aux régimes de tutelle ou de curatelle, l'individu sous sauvegarde de justice garde une plus grande marge de manœuvre dans la gestion de ses affaires personnelles et patrimoniales.

Le mandat spécial

Un aspect notable de la sauvegarde de justice est la possibilité de recourir à un mandat spécial. Ce dispositif permet d'agir de manière urgente pour préserver les intérêts de la personne vulnérable. 

Exemples :  le mandat spécial peut autoriser le mandataire à vendre un bien immobilier, à utiliser une assurance-vie pour financer des soins ou un hébergement, ou encore à établir un dossier de surendettement. Il peut également servir à des fins de protection plus personnelles, comme déterminer le lieu de vie de la personne protégée.

Le mandataire, désigné dans le cadre de ce mandat, est tenu de rendre compte de ses actions à la fois au juge et à la personne protégée. Cette exigence de reddition de comptes garantit la transparence et le respect des intérêts de la personne sous sauvegarde de justice.

Qui peut faire la demande de sauvegarde de justice ?

Pour qu'une personne soit placée sous sauvegarde de justice, une demande doit être formulée auprès du juge des contentieux de la protection (ex juge des tutelles). 

Voici un aperçu des personnes habilitées à initier une telle procédure.

Majeur lui-même

La personne qui se sent incapable de gérer ses affaires en raison d'une altération de ses facultés peut directement demander à être placée sous sauvegarde de justice. 

Partenaire de vie

Le conjoint, le partenaire lié par un Pacte Civil de Solidarité (PACS), ou le concubin du majeur à protéger peut également faire cette demande. 

Parent ou allié

Les membres de la famille, qu'ils soient liés par le sang ou par alliance (comme un beau-frère ou une belle-mère), peuvent demander la mise en place de la sauvegarde de justice. 

Personne entretenant des liens étroits et stables 

Des amis ou d'autres proches, qui entretiennent avec le majeur des relations durables et significatives, ont également le droit de demander cette mesure. 

Curateur ou tuteur

Si le majeur est déjà sous un autre régime de protection juridique, la personne désignée comme curateur ou tuteur peut requérir la sauvegarde de justice, soulignant la nécessité d'adapter le niveau de protection aux besoins évolutifs de la personne protégée.

Procureur de la République

Le Procureur de la République peut initier la procédure de sa propre initiative suite à la réception de signalements ou dans le cadre de ses fonctions de surveillance de l'application de la loi.

Tiers (Médecin, Directeur d'établissement de santé, ...)

Des professionnels tels que les médecins ou les directeurs d'établissements de santé peuvent aussi demander la mise sous sauvegarde de justice d'un majeur. Cette option reconnaît l'importance de l'évaluation professionnelle dans la détection de l'altération des facultés personnelles.

Quelles sont les contraintes de cette mesure de protection ?

La principale contrainte imposée par la sauvegarde de justice concerne la répartition des pouvoirs entre le majeur protégé et le mandataire désigné pour s'occuper des actes spécifiques.

Autonomie du majeur protégé

Sous la sauvegarde de justice, le majeur protégé conserve une grande part d'autonomie. Il a le droit d'accomplir tous les actes de la vie courante, ce qui inclut la gestion de ses biens courants, la signature de contrats pour des achats quotidiens et la participation à des décisions personnelles importantes. 

Cette préservation de l'autonomie est fondamentale, car elle permet à la personne protégée de continuer à exercer son libre arbitre dans la mesure de ses capacités.

Limitation liée au mandataire

La contrainte principale imposée par cette mesure réside dans le fait que certains actes, jugés trop complexes ou risqués pour être gérés seuls par le majeur dans son état, sont confiés à un mandataire. 

Ce mandataire, souvent désigné par le juge, a pour mission d'agir dans l'intérêt de la personne protégée pour des actes spécifiques qui peuvent inclure : 

  • La gestion de biens immobiliers
  • La réalisation d'investissements
  • L'organisation de soins de longue durée. 

La portée de l'intervention du mandataire est déterminée par le juge en fonction des besoins spécifiques et de l'état de la personne protégée.

Droit de vote maintenu

Un aspect crucial de la sauvegarde de justice est la préservation des droits civiques du majeur protégé, notamment le droit de vote. Cette mesure souligne l'importance de ne pas exclure les individus vulnérables de la participation à la vie démocratique de la société.

Qui peut être mandataire spécial d’un majeur ?

La sauvegarde de justice nécessite la désignation d'un mandataire spécial responsable de représenter ou d'assister le majeur à protéger dans certains actes de la vie courante ou pour des décisions spécifiques. 

Profils éligibles pour être mandataire spécial

  • Époux(se) 
  • Partenaire de Pacs (Pacte civil de solidarité)
  • Concubin(e)
  • Parent 
  • Allié : cela inclut les membres de la famille non liés par le sang, comme les beaux-frères ou belles-mères
  • Personne résidant avec le majeur ou ayant des liens étroits et stables : amis proches ou autres individus significatifs dans la vie du majeur
  • Mandataire judiciaire à la protection des majeurs : professionnels spécialisés dans la gestion des affaires des personnes protégées.
  • Personnel ou service d'un établissement de santé ou social : dans certains cas, ces professionnels peuvent être désignés pour des majeurs hébergés ou soignés dans leurs établissements.

Restrictions

Certaines personnes sont explicitement exclues de la possibilité de devenir tuteur ou curateur, et par extension, leur nomination en tant que mandataire spécial pourrait être soumise à des restrictions similaires. Cela inclut : 

  • Les majeurs protégés eux-mêmes
  • Les personnes condamnées pénalement à une interdiction des droits civils et de famille 
  • Les membres des professions médicales et de la pharmacie vis-à-vis de leurs patients, afin d'éviter les conflits d'intérêts.

Processus de désignation par le juge

Lors de la décision d'une sauvegarde de justice, le juge des contentieux de la protection privilégie, dans la mesure du possible, les proches de la personne à protéger pour le rôle de mandataire spécial. Si cela s'avère impossible, le juge peut alors désigner un professionnel inscrit sur une liste départementale gérée par le préfet. 

Association de proches et professionnels

Le juge a également la possibilité d'associer des proches et des professionnels dans l'exercice de la protection, permettant ainsi une approche plus complète et adaptée aux besoins du majeur. Cette collaboration peut être particulièrement bénéfique dans des situations complexes, où plusieurs compétences et perspectives sont nécessaires pour assurer le bien-être de la personne protégée.

Quelle est la procédure de la sauvegarde de justice ?

Pour déterminer la nécessité d'instaurer une mesure de protection de sauvegarde de justice pour un adulte, le magistrat est tenu de procéder à l'audition de l'individu visé ainsi que de l'initiateur de la requête. Cette audition se déroule à huis clos, généralement au sein du tribunal situé dans la juridiction du domicile de la personne adulte à protéger. 

Il existe deux formes principales de sauvegarde de justice : la sauvegarde de justice médicale et la sauvegarde de justice judiciaire, chacune ayant ses propres procédures de mise en œuvre.

Sauvegarde de justice médicale

La procédure médicale pour instaurer une sauvegarde de justice s'appuie sur l'intervention des professionnels de santé :

  • Déclaration au procureur de la République : cette déclaration est effectuée par le médecin traitant de la personne concernée et doit être accompagnée de l'avis conforme d'un psychiatre. Dans le cas où la personne est hospitalisée, le médecin de l'établissement de santé peut également faire cette déclaration.

Sauvegarde de justice judiciaire

Lorsqu'une sauvegarde de justice est instaurée par décision judiciaire, le processus est plus formel :

  • Demande au juge des contentieux de la protection : les demandes peuvent être initiées par les mêmes personnes autorisées à demander une tutelle ou une curatelle, incluant le majeur lui-même, sa famille, son partenaire de vie, ou encore le Procureur de la République.

Audition postérieure en cas d'urgence

Dans des situations d'urgence, il est possible que l'audition de la personne protégée par le juge se tienne après la mise en œuvre de la mesure de sauvegarde de justice. Cette flexibilité permet une réaction rapide en cas de besoin immédiat de protection.

Désignation de mandataires spéciaux

Peu importe la procédure initiée, si la mise sous sauvegarde de justice est acceptée, le juge a la responsabilité de désigner un ou plusieurs mandataires spéciaux. 

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Quels sont les documents à joindre à la demande de sauvegarde de justice ?

La procédure de demande de mise sous sauvegarde de justice exige la fourniture de plusieurs documents clés pour permettre une évaluation complète de la situation de la personne à protéger. Voici les documents requis :

1. Identité de la personne à protéger : Il est fondamental de fournir des informations claires et précises sur l'identité de la personne pour laquelle la demande est faite, afin d'éviter toute confusion ou erreur dans le traitement de la demande.

2. Copie intégrale de l'acte de naissance datant de moins de 3 mois

3. Copie (recto verso) de la pièce d'identité 

4. Copie (recto verso) de la pièce d'identité du demandeur

5. Certificat médical circonstancié : Un élément crucial de la demande, ce certificat doit être rédigé par un médecin inscrit sur la liste des experts judiciaires ou par un médecin spécialiste des pathologies concernées.

6. Formulaire cerfa n°15891

Quand la mesure de sauvegarde de justice prend-elle fin ?

Comme toute mesure temporaire, la sauvegarde de justice a une durée limitée et des conditions spécifiques de cessation

Voici les circonstances dans lesquelles la sauvegarde de justice prend fin :

  • Expiration de la durée maximale : la sauvegarde de justice est initialement prononcée pour une durée n'excédant pas un an. Elle peut être renouvelée une fois par le juge des contentieux de la protection, portant la durée totale maximale de la mesure à deux ans

La mesure peut être levée avant son terme pour plusieurs raisons :

  • Accomplissement des actes spécifiques : si la sauvegarde de justice a été ordonnée pour permettre l'accomplissement d'actes déterminés et que ces actes ont été réalisés, le juge peut décider de mettre fin à la mesure.
  • Rétablissement des facultés du majeur : si le majeur protégé se rétablit et reprend possession de ses facultés au point de pouvoir gérer à nouveau ses affaires de manière autonome, le juge peut lever la sauvegarde de justice.
  • Ouverture d'une mesure de curatelle ou de tutelle : la sauvegarde de justice prend également fin avec l'ouverture d'une mesure de protection juridique plus durable, telle qu'une curatelle ou une tutelle. Ces mesures sont envisagées lorsque l'altération des facultés du majeur est telle qu'une protection plus structurée et de long terme est nécessaire.

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.