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Tutelle d’un majeur : un dispositif de protection intégrale très encadré

Gregory Cousyn

March 26, 2024

Temps de lecture :

8 minutes

Dame âgée atteinte d'Alzheimer et qui se tient la tête entre les mains.
Médico-social / Social

Le dispositif de tutelle d'un majeur est conçu pour veiller sur ceux dont les facultés personnelles ou les situations particulières les empêchent de gérer leurs intérêts de manière autonome. 

À travers un cadre légal strict et des procédures bien définies, la tutelle ambitionne de fournir une protection intégrale, équilibrant l'assistance, la représentation et la suppléance nécessaire à la personne concernée. 

Découvrez dans cet article un aperçu complet de ce dispositif de protection. 

Qu’est-ce que la tutelle ?

La tutelle est un dispositif juridique mis en place pour assister, représenter ou suppléer une personne majeure lorsque ses facultés personnelles ou sa situation l'empêchent de gérer ses intérêts. 

Cette mesure, d'une portée considérable, est destinée à protéger tant la personne elle-même que son patrimoine, dans un contexte dans lequel elle se trouve dans l'incapacité de le faire de manière autonome.

À la différence d'autres mesures de protection plus légère, comme la sauvegarde de justice ou la curatelle, la tutelle se caractérise par son ampleur. 

Elle entraîne des conséquences significatives sur les actes de la vie civile, administrative et patrimoniale que la personne protégée peut accomplir seule. En effet, sous tutelle, l'individu se voit majoritairement représenté par un tuteur désigné par le juge. 

Quel est le cadre juridique de la tutelle ?

Le cadre juridique de la tutelle est établi par plusieurs textes législatifs et réglementaires qui définissent les conditions de sa mise en œuvre, les procédures à suivre, ainsi que les droits et obligations des différentes parties impliquées. 

Ce cadre vise à assurer une protection efficace des personnes majeures incapables de veiller sur leurs intérêts, tout en respectant leurs droits fondamentaux.

Parmi les principaux textes, on peut citer : 

Code civil

Le Code civil définit les conditions d'ouverture d'une tutelle, les critères d'éligibilité des personnes protégées, le rôle et les obligations du tuteur, ainsi que la procédure de mise en place et de suivi de la mesure.

Code de procédure civile

Il précise les modalités de la procédure judiciaire pour la mise en œuvre de la tutelle. Il détaille les étapes du processus, de la saisine du juge à la décision finale, en passant par les auditions des parties concernées.

Loi n°2007-308 du 5 mars 2007

Cette loi  portant réforme de la protection juridique des majeurs a significativement réformé le système de protection des majeurs en France, y compris la tutelle. Elle vise à mieux respecter les droits et la dignité des personnes sous protection, en favorisant autant que possible leur autonomie.

Qui peut faire la demande de tutelle ?

La demande d’ouverture d’une tutelle est initiée auprès du juge des contentieux de la protection, une instance judiciaire ayant pris la suite du juge des tutelles. 

La demande peut être formulée par divers acteurs : 

La personne à protéger elle-même

Premièrement, et de manière assez intuitive, la personne qui estime ne plus être en capacité de gérer ses affaires peut elle-même solliciter la mise en place d'une tutelle. Cette démarche souligne la reconnaissance juridique de l'autonomie individuelle, même dans un contexte de vulnérabilité.

Le partenaire de vie

Le conjoint, le partenaire lié par un Pacte Civil de Solidarité (PACS), ou même le concubin (partenaire dans une union libre) de la personne à protéger peut également initier la demande. 

Les parents ou alliés 

La catégorie inclue à la fois les liens directs tels que ceux avec les parents (qu'ils soient biologiques ou adoptifs) et les connexions au sein de la famille élargie. Elle s'étend aussi aux alliés, comme les beaux-parents, les beaux-frères et les belles-sœurs, établissant ainsi une distinction importante : ces relations sont formées à travers les unions matrimoniales plutôt que par des liens de sang.

Les personnes entretenant des relations proches et durables

Cette catégorie est particulièrement inclusive, permettant à toute personne ayant un lien étroit et stable avec le majeur à protéger de solliciter la mise en tutelle. Cette ouverture vise à ne pas limiter la protection à la seule famille biologique ou légale, reconnaissant ainsi la diversité des liens sociaux et affectifs.

Le curateur ou tuteur en fonction

La personne déjà désignée pour exercer une mesure de protection juridique (que ce soit en tant que curateur ou tuteur d'une autre mesure) peut, si elle juge nécessaire un renforcement de cette protection, demander la mise en place d'une tutelle.

Procureur de la République 

Enfin, le Procureur de la République, représentant de l'autorité judiciaire, a également le pouvoir de requérir l'ouverture d'une tutelle. Ce dernier peut agir soit de sa propre initiative, soit suite à une alerte émanant de tiers ou d'institutions.

Quelles sont les répercussions de la tutelle sur la vie et les droits des personnes protégées ?

La mise sous tutelle d'une personne majeure a des effets sur sa capacité à effectuer des actes juridiques et à prendre des décisions concernant sa vie personnelle et patrimoniale. 

Cette mesure de protection juridique est encadrée par des règles précises, visant à assurer le bien-être et la sécurité de la personne protégée, tout en respectant autant que possible son autonomie.

Mention marginale sur l'acte de naissance

La mise en place, la modification ou la fin d'une mesure de tutelle est systématiquement inscrite en marge de l'acte de naissance de la personne concernée. 

Cette mention a pour but de formaliser l'existence de la mesure de protection et de garantir sa prise en compte dans les actes civils.

Gestion du patrimoine

Actes de disposition

Les actes de disposition, qui engagent le patrimoine de la personne sur le long terme (tels que la vente d'un bien immobilier, la souscription d'un emprunt ou la réalisation d'une donation), requièrent l'autorisation du juge. Ces opérations, pouvant affecter de manière significative la valeur du patrimoine, sont strictement encadrées.

Actes d'administration

Les actes d'administration, relevant de la gestion courante (comme la signature d'un bail d'habitation ou l'ouverture d'un compte bancaire), peuvent être effectués par le tuteur seul. Ce dernier a la responsabilité de gérer au mieux les intérêts patrimoniaux de la personne protégée.

Vie familiale et personnelle

La tutelle respecte certaines prérogatives personnelles de l'individu protégé :

  • Décisions familiales : la personne sous tutelle conserve le droit de réaliser seule certains actes strictement personnels, comme la reconnaissance d'un enfant, sans que cela affecte l'autorité parentale.
  • Renouvellement d'un titre d'identité : bien que la demande de renouvellement d'une carte d'identité puisse être faite par le majeur sous tutelle, le tuteur doit en être informé.
  • Mariage et PACS : le droit de se marier ou de se pacser est maintenu sans nécessité d'autorisation préalable du tuteur ou du juge, une simple information préalable étant suffisante.
  • Droit de vote : Le majeur sous tutelle exerce son droit de vote de manière autonome, sans possibilité de représentation par le tuteur. En revanche, il ne peut être élu.

Justice et logement

  • Porter plainte : la personne sous tutelle peut initier des actions en justice par elle-même, en fonction de son état de santé et de compréhension.
  • Logement principal : toute décision concernant le logement principal nécessite l'approbation du juge, soulignant l'importance de cette question pour le bien-être de la personne protégée.

Dispositions testamentaires et donations

Le majeur sous tutelle a la capacité de rédiger un testament avec l'autorisation du juge, et peut également effectuer des donations, sous réserve d'être assisté ou représenté par son tuteur et d'obtenir l'aval judiciaire.

Qui peut être tuteur ?

La désignation d'un tuteur est une étape cruciale dans le processus de protection juridique des majeurs incapables de veiller sur leurs intérêts. 

La loi prévoit un large éventail de personnes éligibles pour ces rôles, afin d'assurer que la personne protégée bénéficie du soutien le plus adapté et bienveillant possible.

Profils éligibles pour la fonction de tuteur

  • L'époux(se) ou le/la partenaire de PACS*
  • Le concubin(e)
  • Les parents et alliés
  • Les personnes résidant avec le majeur ou ayant avec lui des liens étroits et stables 
  • Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs
  • Le personnel ou service d'un établissement de santé ou médico-social : dans le cas où la personne à protéger est hébergée ou soignée dans une structure spécialisée, un membre de cette structure peut être envisagé pour la tutelle.

Restrictions à la nomination

Il est important de noter que certaines personnes sont expressément exclues de la possibilité de devenir tuteur pour éviter les conflits d'intérêts ou les situations pouvant compromettre le bien-être de la personne protégée :

  • Un majeur lui-même sous protection juridique
  • Les personnes ayant été condamnées pénalement
  • Les membres des professions médicales et de la pharmacie.

Prise en compte de l'avis du majeur à protéger

Le choix du tuteur tient compte, dans la mesure du possible, de l'avis du majeur à protéger. Ce dernier a le droit d'exprimer sa préférence, qui doit être prise en considération par le juge. 

Si la personne souhaitée par le majeur à protéger n'est pas désignée, le juge doit expliciter les raisons de cette décision. 

En l'absence de désignation par la personne à protéger, le juge privilégie la nomination de l'époux(se), du partenaire de PACS, ou du concubin, puis des parents.

Quels sont les documents requis pour une demande de tutelle ?

La mise en œuvre d'une mesure de tutelle est un processus juridique qui requiert la soumission de divers documents afin de démontrer la nécessité de cette protection pour la personne concernée. 

Voici un récapitulatif des pièces nécessaires pour constituer une requête complète de mise sous tutelle :

Documents concernant la personne à protéger

Identité et état civil

Une copie intégrale de l'acte de naissance de la personne à protéger, datant de moins de trois mois, afin de certifier son identité et son état civil.

Pièce d'Identité

Une copie recto verso de la pièce d'identité de la personne à protéger, attestant de manière officielle de son identité.

Documents requis du demandeur

Pièce d'identité du demandeur

Une copie recto verso de la pièce d'identité du demandeur, nécessaire pour vérifier son identité.

Certificat médical circonstancié

Ce document, établi par un médecin inscrit sur une liste spécifique, décrit l'état de santé de la personne et justifie la nécessité d'une protection juridique.

Formulaire Cerfa n°15891

Formulaire officiel requis pour la demande, à remplir avec soin.

Autres documents importants

Énoncé des faits

Un document détaillant les circonstances qui rendent nécessaire la mise en place d'une mesure de tutelle, soulignant les difficultés rencontrées par la personne à protéger.

Preuve de lien de parenté

Le cas échéant, un justificatif du lien de parenté (copie de livrets de famille, contrat de mariage, convention de PACS, etc.) entre le demandeur et la personne à protéger.

Désignation de la personne habilitée

  • Copie de la pièce d'identité de la personne souhaitée pour remplir les fonctions de tuteur
  • Justificatif de domiciliation de cette personne.
  • Lettres d'accord des membres de la famille acceptant cette nomination, le cas échéant.

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Quelle est la procédure d'une mise sous tutelle ?

Voici les étapes clés de la procédure de mise sous tutelle :

1 - Convocation et droits de la personne à protéger

La personne à protéger est formellement convoquée par le juge. Elle bénéficie du droit à l'assistance d'un avocat et peut demander au tribunal la désignation d'un avocat d'office. 

Cet avocat intervient dans les huit jours suivant la demande, garantissant ainsi la protection des droits de la personne concernée dès le début de la procédure.

2. Audition non publique

L'audition de la personne à protéger se déroule dans un cadre non public, afin de préserver sa dignité et sa confidentialité. Le juge est tenu d'entendre la personne, sauf avis médical contraire, et celle-ci peut être accompagnée par un avocat ou une personne de son choix, sous réserve de l'accord du juge. Cette étape est cruciale pour évaluer de manière respectueuse et précise la situation de la personne.

Si le médecin juge que l'audition pourrait nuire à l'état de la personne, le juge peut décider de dispenser de l'audition, mais il doit motiver sa décision de manière explicite.

Durant cette période, le juge peut décider de placer temporairement la personne sous sauvegarde de justice, mesure d'attente avant la décision finale.

3. Désignation du tuteur

La nomination du tuteur est une décision majeure dans le processus de tutelle :

Choix du tuteur

Le juge nomme un ou plusieurs tuteurs, distinguant parfois entre la protection de la personne et la gestion du patrimoine. La préférence est donnée aux proches de la personne à protéger. À défaut, un professionnel qualifié, inscrit sur une liste préfectorale, est désigné.

Subrogé tuteur

Pour une surveillance additionnelle, un subrogé tuteur peut être nommé pour contrôler les actions du tuteur principal. En l'absence de subrogé tuteur, un tuteur ad hoc peut être désigné pour intervenir ponctuellement.

Compte de gestion annuel

Le tuteur est tenu de présenter annuellement un compte rendu de sa gestion, assurant ainsi transparence et contrôle des actions menées au nom de la personne protégée.

Combien de temps dure la tutelle ? 

La durée de la tutelle est déterminée par le juge des contentieux de la protection, qui fixe la période pendant laquelle la mesure reste en vigueur. 

Cette durée est soumise à certaines limites, établies en fonction de l'état de santé de la personne protégée et des perspectives d'amélioration de ses facultés personnelles :

Durée standard

La tutelle est initialement limitée à une durée de 5 ans. Cette périodicité permet de réévaluer régulièrement la situation de la personne sous tutelle et d'ajuster la mesure si nécessaire.

  

Extension à 10 ans

Dans les cas où l'altération des facultés personnelles de la personne sous tutelle est jugée irréversible selon les connaissances médicales actuelles, le juge peut décider de fixer la durée de la tutelle à 10 ans dès l'origine. Cette extension vise à éviter des renouvellements fréquents dans des situations dans lesquelles aucune amélioration n'est envisageable.

Renouvellement jusqu'à 20 ans

Lors d'un renouvellement, si un certificat médical atteste de l'impossibilité d'amélioration de l'état de santé du majeur protégé, le juge peut directement renouveler la mesure pour une période qui ne peut excéder 20 ans.

Le juge dispose également de la latitude pour alléger la mesure à tout moment, ce qui peut inclure la réduction de la durée initialement fixée.

Fin de la tutelle avant l’échéance prévue

La tutelle peut prendre fin avant l'échéance prévue dans plusieurs situations :

Décision du juge

Si le juge estime que la tutelle n'est plus nécessaire, il peut y mettre fin à tout moment, que ce soit à la demande du majeur sous tutelle ou de toute personne habilitée (comme un parent ou un allié).

Expiration de la durée fixée

La tutelle se termine automatiquement à l'expiration de la période définie, sauf si un renouvellement est demandé et accordé.

Remplacement par une curatelle

Si la situation de la personne s'améliore et qu'une mesure moins restrictive comme la curatelle est jugée suffisante, la tutelle peut être remplacée.

Décès de la personne protégée 

La tutelle prend fin immédiatement au décès de la personne protégée.

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.