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Vie intime, affective et sexuelle ESSMS : quelles bonnes pratiques ?

Gregory Cousyn

February 14, 2025

Temps de lecture :

3 minutes

Couple de personnes âgées s'embrasse tendrement. Madame est assise et monsieur se penche pour l'embrasser.
Médico-social / Social

Loin d’être un tabou, la vie intime, affective et sexuelle en ESSMS est un aspect fondamental du bien-être des personnes accompagnées.

Elle doit être protégée et promue dans ces établissements pour garantir la dignité et l'épanouissement personnel de chaque individu.

En s'appuyant sur les définitions, le cadre réglementaire, et le référentiel HAS, cet article explore les bonnes pratiques à adopter en ESSMS pour respecter et valoriser la vie intime et sexuelle des personnes vulnérables. 

Découvrez comment créer un environnement bienveillant et respectueux des droits fondamentaux, assurant ainsi une meilleure qualité de vie pour les résidents.

Qu’entend-on par vie intime ?

La vie intime, souvent perçue à travers le prisme de la vie privée, est une composante essentielle de l’existence humaine. Elle s’étend bien au-delà des simples relations affectives et sexuelles, englobant un large éventail d’expériences et de droits personnels

Chaque individu, y compris les personnes en situation de handicap, a le droit fondamental au respect de sa vie privée, un principe qui demeure inviolable, indépendamment du lieu où il se trouve, y compris dans les Établissements et Services Médico-Sociaux (ESSMS).

La vie intime recouvre diverses dimensions : elle concerne autant les pensées et les émotions intérieures que le corps et ses parties intimes. 

Qu’est-ce que la vie affective et sexuelle ?

Les termes « vie affective et sexuelle » sont couramment utilisés pour désigner un aspect essentiel de l’existence humaine, bien qu'ils n'aient pas de définition officielle unique. 

Néanmoins, la notion de « santé sexuelle » définie par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) introduit des éléments cruciaux qui éclairent ces termes. 

Selon l’OMS, la santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité.

La vie affective et sexuelle :

  • inclut une variété d’expériences et de relations qui participent à l’épanouissement personnel et au bonheur de chacun
  • comprend non seulement les relations sexuelles, mais aussi les liens affectifs et émotionnels qui se créent entre les individus. 

Les relations amoureuses, les amitiés profondes, et même les interactions quotidiennes empreintes d’affection, font partie intégrante de cette vie affective et sexuelle.

Pour que cette dimension de la vie soit pleinement épanouissante, il est essentiel qu’elle soit vécue dans un cadre respectueux et bienveillant. 

La définition implique la possibilité d'avoir des expériences sexuelles agréables et sécurisées, exemptes de toute contrainte, discrimination ou violence. 

Vie intime, affective et sexuelle en ESSMS : quel cadre réglementaire ?

La question de la vie intime, affective et sexuelle en ESSMS s'inscrit dans un cadre réglementaire précis visant à garantir le respect des droits et le bien-être des résidents, notamment les plus vulnérables. 

Ce cadre s'appuie sur plusieurs directives et stratégies nationales.

Stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 

La stratégie nationale de santé sexuelle constitue une pierre angulaire de ce cadre. Elle vise à améliorer la santé sexuelle de l’ensemble de la population en abordant spécifiquement les besoins des populations les plus vulnérables. 

L'axe 4 de cette stratégie met l'accent sur la réponse aux besoins spécifiques de ces populations, avec un objectif particulier : prendre en compte la sexualité des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. 

Circulaire N° DGCS/SD3B/2021/147 du 5 juillet 2021 

Cette circulaire est relative au respect de l’intimité, des droits sexuels et reproductifs des personnes accompagnées dans les établissements et services médico-sociaux relevant du champ du handicap et de la lutte contre les violences

Elle précise les obligations des ESMS en matière de respect de l’intimité et des droits sexuels des personnes accompagnées. Elle vise à assurer que chaque résident puisse exercer ses droits dans un cadre sécurisé et bienveillant.

Droits sexuels et handicap en ESSMS : que nous apprend la circulaire du 5 juillet 2021 ?

La circulaire N° DGCS/SD3B/2021/147 se décompose en trois parties : les droits des personnes, le rôle des directions et le rôle du personnel.

Les droits des personnes

La circulaire met l’accent sur le respect de l’intimité des personnes en situation de handicap, en insistant sur plusieurs points clés :

  • Respect de l’intimité : l’intimité inclut les relations affectives et les parties cachées du corps. Toute forme de violence physique, psychologique et sexuelle doit être combattue.
  • Liberté de choix : les personnes doivent pouvoir choisir librement leur méthode de contraception et avoir la possibilité de refuser la stérilisation.
  • Accès aux soins : un suivi médical gynécologique adéquat doit être assuré.
  • Soutien à une vie épanouie : les établissements doivent aider les personnes à mener une vie affective, intime et sexuelle épanouie, tout en luttant contre les violences.

Le rôle de la direction

Les directeurs des établissements et services médico-sociaux ont des responsabilités cruciales dans la mise en œuvre de cette circulaire :

  • Documentation claire : fournir des documents clairs sur les droits à la vie affective, intime et sexuelle, et sur les moyens de lutte contre les violences.
  • Charte de vie affective et intime : proposer l’élaboration d’une charte spécifique.
  • Référents et groupes de discussion : désigner des référents pour faire respecter ces droits et organiser des groupes de discussion animés par des spécialistes.
  • Environnement respectueux : créer des espaces respectant l’intimité (chambres, toilettes individuelles). L'espace privé doit permettre la vie de couple.
  • Formation du personnel : former le personnel aux droits affectifs et intimes des personnes et à la détection des signes de violences.
  • Mesures contre les violences : prendre des mesures pour sanctionner les comportements violents et veiller à la disponibilité d’informations sur la dénonciation des violences dans des formats accessibles (FALC, pictogrammes, braille).
  • Numéros d’urgence : afficher des numéros d’urgence gratuits pour signaler les violences.

Le rôle du personnel

Le personnel des établissements et services médico-sociaux joue un rôle clé dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Il doit :

  • Informer sur les droits : expliquer les droits à une vie affective, intime et sexuelle, y compris sur la notion de consentement, les moyens de contraception, et les interruptions volontaires de grossesse.
  • Respect des besoins individuels : et de toutes les formes de sexualité, en obtenant le consentement pour les aider dans les activités quotidiennes (toilette, habillement, alimentation).
  • Soutien à la parentalité : soutenir les désirs de parentalité avant et après la naissance de l’enfant.
  • Réagir en cas de violences : informer les autorités compétentes, éloigner les victimes de leurs agresseurs, les faire examiner par un médecin et leur proposer un soutien psychologique.

La formation continue du personnel est essentielle pour garantir qu’ils soient capables de repérer et de réagir adéquatement aux situations de violence, assurant ainsi un environnement sécurisé et respectueux pour les personnes en situation de handicap.

Vie privée et intimité de la personne en ESSMS : quels attendus dans le Référentiel HAS ?

La vie privée et l’intimité de la personne accompagnée sont intégrées dans le référentiel d’évaluation de la qualité des ESSMS sous la thématique "Droits de la personne accompagnée". 

Plus précisément, elles sont reprises au chapitre 2 et constituent un critère impératif pour l’objectif suivant :

Objectif 2.2 : Les professionnels favorisent l’exercice des droits fondamentaux et des libertés individuelles de la personne accompagnée

🟥Critère 2.2.3 : Les professionnels respectent la vie privée et l’intimité de la personne accompagnée

Pour atteindre cet objectif, plusieurs actions, outils et questions doivent être considérés :

Facilitation et respect de l'intimité 

La structure doit faciliter et respecter l'intimité des personnes accompagnées.

  • Inscription institutionnelle : la mise en œuvre de la liberté affective et sexuelle doit être inscrite dans les documents institutionnels tels que le projet d’établissement et le règlement de fonctionnement.
  • Aménagement des locaux : les locaux et l’organisation de la vie quotidienne doivent éviter la promiscuité et préserver la vie privée.
  • Consultation des personnes : les personnes accompagnées doivent être consultées sur la manière dont la structure respecte leurs droits, leur liberté, leur intimité et leur vie privée.
  • Réception des proches : les personnes doivent pouvoir recevoir des proches dans un lieu respectant l'intimité.

Liberté affective et sexuelle 

Les personnes accompagnées doivent disposer d’une liberté affective et sexuelle au sein de la structure.

  • Vision positive de la sexualité : promouvoir une vision positive de la sexualité des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées.
  • Expression de la vie sexuelle : permettre l’expression d’une vie sexuelle au sein des ESSMS.
  • Respect des avis affectifs et sexuels : vérifier que les avis affectifs et sexuels soient respectés.
  • Formation et sensibilisation : mettre en place des actions de formation et de sensibilisation pour les professionnels.
  • Intégration dans les documents officiels : promouvoir la place et le respect de la vie affective et sexuelle dans le contrat de séjour, le règlement de fonctionnement, et le projet d’établissement-projet de service.
  • Charte de vie affective et sexuelle : rédiger une charte de la vie affective, relationnelle, intime et sexuelle en collaboration avec les personnes accompagnées.
  • Désignation d'un référent : désigner un ou une référente dans chaque établissement pour garantir l’effectivité des droits des personnes accueillies.

Recommandations de la HAS sur la vie intime, affective et sexuelle (VIAS) : quelles bonnes pratiques pour une meilleure prise en charge en ESSMS ?

Dans son volet 1 de Recommandations de Bonnes Pratiques Professionnelles (RBPP) sur la VIAS en ESSMS, publiées en février 2025, la Haute Autorité de Santé propose un socle commun de repères. 

Ces recommandations s'inscrivent dans une approche globale, positive et respectueuse des droits fondamentaux des personnes accueillies en ESSMS.

Définition et repères clés par la HAS 

La VIAS est la liberté de s'exprimer et de réaliser ses désirs et besoins en lien avec l'intimité, l'affectivité et la sexualité, dans le respect des droits de chacun et dans le cadre de la loi. 

Elle englobe des dimensions émotionnelles, physiques et sociales.

Quelques repères clés :

  • Encourager une approche positive de la VIAS en valorisant son importance pour le bien-être général.
  • Reconnaître et respecter les libertés fondamentales (droit à l'intimité, à l'autonomie, à la sécurité, etc.).
  • Promouvoir l'autodétermination des personnes pour qu'elles puissent exprimer leurs désirs et besoins en toute liberté.

Inscrire formellement la VIAS au niveau institutionnel

Il s’agit de : 

  • Formaliser dans les documents comme le projet d'établissement, le règlement de fonctionnement ou le livret d'accueil.
  • Créer une charte VIAS coconstruite avec les personnes accompagnées, les professionnels et les partenaires.
  • Privilégier des modalités d'accompagnement respectueuses de la vie privée et de l'autonomie.

Désigner des référents VIAS :

  • Un référent VIAS doit être nommé pour assurer une veille éthique, organiser des formations et soutenir les équipes.
  • Le référent doit être une personne-ressource et non un substitut des professionnels.

Aménager les espaces pour garantir l'intimité 

La HAS recommande de : 

Mettre en place des espaces privatifs (chambres individuelles, lieux dédiés, etc.).

  • Installer des serrures aux portes des chambres avec l'accord de la personne accueillie.
  • Organiser des horaires pour les visites et la circulation des professionnels.

Respecter la liberté de circulation :

  • Permettre aux personnes accompagnées de recevoir des visiteurs sans restriction abusive.
  • Veiller à ce que les mesures de sécurité soient proportionnées et justifiées dans l'intérêt des personnes.

Partager des informations dans le respect de la vie privée :

  • Obtenir systématiquement le consentement des personnes avant tout partage d'informations.
  • Utiliser des outils sécurisés pour transmettre des données confidentielles.

Pour aller plus loin

⦿ Article de blog : Secret Professionnel en ESSMS : les informations clés à retenir

‍Former et sensibiliser les acteurs

Pour les professionnels

Mettre en place des formations continues sur :

  • L'approche positive de la VIAS.
  • Le cadre juridique et éthique.
  • La prévention des violences sexistes et sexuelles.
  • Les enjeux liés à l'identité de genre, l'expression de genre et l'orientation sexuelle.

Adaptation des formations aux spécificités des publics (mineurs, personnes âgées, personnes en situation de handicap, etc.).

Pour les personnes accompagnées :

  • Sensibiliser aux droits fondamentaux et à la prévention des risques (IST, violences, etc.).
  • Proposer des outils adaptés (vidéos, brochures, ateliers) pour favoriser l'expression des désirs et besoins.
  • Encourager les échanges sur la VIAS dans des espaces de confiance.

Mettre des outils à disposition de l'ensemble des acteurs

Pour les professionnels :

  • Mettre à disposition une boîte à outils comprenant des ressources légales, des guides pratiques et des procédures de prévention des violences.
  • Créer des instances institutionnelles pour partager les bonnes pratiques.

Pour les personnes accompagnées :

  • Mettre à disposition des outils d'information et de sensibilisation (brochures, vidéos, webinaires, etc.).
  • Favoriser l'accès à des moyens de contraception.

Pour les proches :

  • Proposer des temps d'échanges (cafés des parents, rencontres entre pairs, etc.).
  • Mettre à disposition des ressources pour informer sur les droits et les dispositifs disponibles.

Travailler les représentations autour de la VIAS

Interroger les représentations des professionnels :

  • Encourager une réflexion collective sur les représentations négatives ou discriminantes.
  • Sensibiliser les équipes à l'importance d'une approche positive de la VIAS.

Questionner les représentations des personnes accompagnées :

  • Favoriser l'expression des désirs et des besoins des personnes.
  • Proposer des ateliers et des espaces de parole pour travailler sur les représentations individuelles.

Accompagner la personne vers une approche positive de sa VIAS

Proposer un accompagnement personnalisé :

  • Respecter le rythme et les limites de chaque personne.
  • Adapter l'accompagnement en fonction des souhaits, des besoins et du parcours de vie de la personne.

Favoriser la vie relationnelle :

  • Encourager la socialisation et les relations interpersonnelles.
  • Organiser des activités collectives et des espaces d'accueil respectueux de l'intimité.

Promouvoir l'expression du consentement :

  • Sensibiliser aux concepts de consentement et de non-consentement.
  • Proposer des outils adaptés pour illustrer ces notions (vidéos, jeux, etc.).
  • Favoriser une réflexion éthique sur les enjeux liés au consentement.

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Questions fréquentes

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À propos de l’auteur

Gregory Cousyn

Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.