Risques chimiques : les identifier, les évaluer dans le DUERP
March 27, 2023
Temps de lecture :
5 minutes
Dans ce dernier volet dédié aux risques professionnels fréquents des secteurs sanitaire, social et médico-social, découvrez les risques chimiques. Voir les volets précédents : Risques physiques et de chute , Risques psychosociaux Risques biologiques
De nombreux agents chimiques sont utilisés dans les secteurs du soin. Il peut s’agir d’antiseptiques, de détergents et de désinfectants ou encore de médicaments. Dans ce nouvel article, apprenez à bien les identifier et les évaluer afin de les intégrer dans votre Document unique.
Que dit le code du travail concernant les risques chimiques ?
La prévention du risque chimique est une obligation réglementaire qui s’appuie sur un certain nombre de textes du code du travail : articles L. 4412-1 et R. 4412-1 à R. 4412-160.
Les articles R. 4412-1 à R. 4412-57 concernent :
→ Les règles générales de prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux (ACD)
Les articles R. 4412-59 à R. 4412-93 concernent :
→ Les règles particulières de prévention des risques applicables aux agents chimiques dangereux définis de manière réglementaire comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR)
Les articles R. 4412-97 à R. 4412-148 concernent :
→ Les règles spécifiques applicables aux activités pouvant exposer à l’amiante.
Les articles R. 4412-149 à R. 4412-152 concernent :
→ Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) et les valeurs limites biologiques (VLB) pour certains agents chimiques.
Les articles R. 4412-154 à R. 4412-160 concernent :
→ Les règles visant la silice cristalline et le plomb et ses composés.
Comment repérer les agents chimiques dangereux ?
Il existe deux moyens d’identifier le degré de dangerosité des produits chimiques :
L’étiquette des produits chimiques
L’étiquetage des produits chimiques est obligatoire. L’étiquette renseigne sur les dangers et précautions à prendre lors de leur utilisation. C’est le règlement européen (règlement CLP) qui définit la manière dont doit être classée, étiquetée et emballée les substances et mélanges.
Ces étiquettes comportent plusieurs indications :
- Des pictogrammes de danger complétés d’un message d’avertissement
- Des mentions de danger : exemple “Dangers pour la santé”
- Une codification H ou P : H+ 3 chiffres = mention de danger, P + 3 chiffres : conseils de prudence.
Les fiches de données de sécurité (FDS)
Obligatoirement transmise par le fournisseur, la FDS d’un produit précise sa composition, ses dangers, les mesures de prévention, collectives et individuelles ainsi que les mesures d’urgence (premiers secours).
Sur la fiche de donnée de sécurité d’un produit, trois points (sur les 16 mentionnés) doivent attirer l’attention :
2 Identification des dangers
2-1 • Classification de la substance ou du mélange
2-2 • Éléments d’étiquetage
3 - Composition et information sur les composants, numéros CAS
8 - Contrôle de l’exposition des travailleurs / Protection individuelle.
Quels produits chimiques doivent être systématiquement identifiés ?
Les produits chimiques, appelés produits chimiques CMR, doivent faire l’objet d’une identification systématique.
L’acronyme CMR désigne :
- C pour « cancérogènes » car ces produits peuvent provoquer des cancers (ou en augmenter la fréquence)
- M pour « mutagènes » : ils peuvent entraîner des modifications génétiques de la personne exposée et, dans certains cas, de sa descendance
- R pour « toxiques pour la reproduction » : ils peuvent altérer la fonction sexuelle ou la fertilité de l’homme ou de la femme, agir sur le développement de l’enfant lors de la grossesse ou encore sur celui du bébé lors de l’allaitement.
Comme mentionné dans le code du travail, ces agents chimiques CMR sont soumis à des règles particulières de prévention du risque CMR ou à des règles générales de prévention du risque chimique. Les CMR sont signalés sur les étiquettes des produits par le pictogramme « Nuit gravement à la santé » (voir affiche plus haut).
Quels autres produits sont à identifier et à évaluer en établissement ?
Même s’ils ne comportent pas de fiche de données de sécurité, certains agents chimiques utilisés en structure peuvent présenter des risques pour la santé. Ils doivent être inventoriés et intégrés dans l’évaluation du risque chimique. C’est le cas notamment :
Des produits de nettoyage ou de désinfection
Les détergents, désinfectants, antiseptiques ou les gants en latex peuvent en effet entrainer des manifestations allergiques, des irritations, des asthmes, etc.
Des gaz anesthésiques
Au bloc opératoire, dans certains services de soins ou aux urgences en milieu hospitalier, l’exposition aux gaz anesthésiques tels que :
- l’isoflurane ou le protoxyde d’azote sous forme de MEOPA (mélanges équimolaires d’oxygène et de protoxyde d’azote) peuvent présenter des risques pour la santé.
Des médicaments cytotoxiques, anticorps monoclonaux (Acm)
Qu’il s’agisse d’une exposition directe ou indirecte à ces substances, ces médicaments peuvent entraîner de multiples effets sur la santé des professionnels.
Quelles sont les modalités d’exposition des agents chimiques ?
Plusieurs voies de pénétration des agents chimiques sont identifiées.
Voies respiratoires
La contamination peut se faire par :
- Les vapeurs
- Les gaz
- Les poussières et aérosols.
Les produits chimiques pouvant être en cause : les solvants, les gaz anesthésiques, la chloramine, la reconstitution des produits cytotoxiques, etc.
Voie cutanée
La contamination peut se faire par des produits traversant une peau saine ou lésée.
Les produits chimiques pouvant être en cause : les détergents, solvants, cytotoxiques, etc. ainsi que les urines de patient sous chimiothérapie.
Voie digestive
La contamination peut se faire par :
- Les mains souillées (défaut d’hygiène)
- Les ongles rongés
- Les cigarettes
- Les aliments
- L’ingestion accidentelle.
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Quels peuvent être les effets toxiques sur la santé des professionnels ?
Par ces différentes voies de pénétration, les produits chimiques passent dans le sang et peuvent porter atteinte :
Aux reins, à la vessie et au foie
- Néphropathie
- Hépatites
- Cancer.
À l’appareil respiratoire
- Néphropathie
- Hépatites
- Cancer.
Au cœur et l’appareil circulatoire
- Angines de poitrine
- Infarctus
- Troubles du rythme cardiaque.
Au sang
- Anémies, leucopénies
- Leucémies.
Au système nerveux
- Polynévrites
- Tremblements
- Troubles psychiatriques
- Syndrome parkinsonien
- Tumeurs cérébrales.
À la peau et aux muqueuses
- Irritations, ulcérations, eczémas
- Cancer.
Important
- L’exposition à un produit chimique (même brève) peut provoquer une brûlure, une irritation de la peau, pouvant aller jusqu’à une perte de connaissance, un coma ou un arrêt respiratoire.
- Les contacts répétés avec des produits chimiques, (même à faibles quantités), peuvent être à l’origine : d’eczéma ou d’asthme, pouvant aller jusqu’au cancer, à insuffisance rénale, troubles de la fertilité…
- Les pathologies liées à l’exposition aux produits chimiques en milieu professionnel peuvent apparaître plusieurs mois ou plusieurs années après l’exposition.
D’où la nécessité de procéder à une évaluation des risques chimiques.
Évaluation des risques chimiques (EvRC): comment procéder ?
L’évaluation du risque chimique est une démarche indispensable qui doit faire partie intégrante de l’évaluation des risques en général et de l’élaboration du document unique.
En voici les étapes :
1 - Identifier les activités concernées par les agents chimiques dangereux
Cette phase consiste à cartographier les activités et les tâches nécessitant l’utilisation d’agents chimiques. Pour identifier ces postes, on peut s'appuyer sur la fiche d’entreprise, les fiches de poste et les observations de poste.
2 - Faire l’inventaire des produits chimiques
Il s’agit de cartographier les agents chimiques en dressant une liste exhaustive de tous les produits chimiques présents dans l’établissement et utilisés par les professionnels, sans oublier les produits non étiquetés tels que certains médicaments, gaz anesthésiques (vus précédemment).
3 - Classer les produits selon leur dangerosité
Lors de cette phase il s’agit de classer les produits :
- En fonction leurs dangers (dangers pour la santé, dangers physiques : risque incendie-explosion, dangers environnementaux )
- En fonction de leur fréquence d’utilisation et de leur quantité.
4 - Identifier les risques potentiels
Lors de cette phase, il s’agit de croiser les différents classements des produits afin de déterminer le risque potentiel (à savoir le danger).
5 - Analyser les conditions d’exposition des professionnels
L’analyse consiste à procéder à l’analyse des conditions de travail en situation réelle et passe par l’écoute des salariés. Elle suppose d’étudier les postes de travail au travers
- Des méthodes mises en œuvre, le cycle de travail, le local
- Des manipulations effectuées
- Des protections collectives
- Des protections individuelles.
6 - Évaluer les risques réels d’exposition des salariés
L’évaluation des risques réels permet de mettre en évidence les agents chimiques et les situations de travail associées à une exposition jugée trop importante. Elle permet de juger des situations de travail présentant un niveau de risque inacceptable devant faire l’objet d’actions correctives de prévention pour supprimer, réduire ou maîtriser le risque.
Les résultats de cette évaluation doivent être consignés dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et mis à disposition du médecin du travail, des instances représentatives du personnel (CSE) ou, à défaut, des personnes exposées à un risque pour leur santé ou sécurité.
Comment déterminer les moyens de prévention des risques chimiques ?
En fonction de la nature et de l’intensité des risques chimiques réels, l’élaboration du plan d’actions de prévention peut conduire à mettre en place :
- Des actions sur le produit chimique : substitution ou suppression de l’agent chimique
- La mécanisation ou automatisation de certains procédés
- Le travail en système clos
- Un accès limité aux salles (mise en place d’un affichage)
- Des équipements de protection collective et en cas d’impossibilité mise en place d’équipements de protection individuelle (EPI)
- La formation et l’information du personnel et du CSE (lorsqu’il existe) sur : le risque chimique, les règles d’hygiène à observer, les procédures d’urgence à mettre en place
- Les conditions de stockage des produits : local ventilé spécifique, étiquetage des produits reconditionnés, etc.
- Le suivi médical du personnel : il sera adapté aux agents chimiques et aux niveaux d’exposition (agents CMR, etc.)
- La gestion des déchets : mise en place d’un circuit spécifique pour les déchets chimiques.
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Découvrez nos réponses aux questions fréquemment posées sur le DUERP en structure médico-sociale, sociale et sanitaire.
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À propos de l’auteur
Gregory Cousyn
Grégory occupe le poste de Head of Customer Care & Quality chez Qualineo. Son parcours : ancien infirmier diplômé d’état ayant travaillé pour le Ministère des Armées, Grégory Cousyn intègre un établissement de santé où il occupait un poste de direction. Son expérience s’articule autour de l’optimisation des organisations pour développer les performances et l’activité d’un établissement, l’appui à la stratégie et la gestion de projets.
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